En lavant mon visage totalement encrassé hier soir, l’eau brune dans le lavabo s’est évacuée en tournant dans le sens opposé des aiguilles d’une montre : Je suis à nouveau au nord de l’équateur, à Boa Vista. C’est ici qu’il y a 3 semaines je suis parti pour une grande boucle de plus de 5000km. L’âme et les pulsations des Caraïbes, avec les 3 Guyanes (Il y en avait 5 un certain moment) d’abord, L’Amazone majestueux ensuite.
Il y a 800 bornes de Manaus à Boa Vista, distance à couvrir d’une traite, car entre ces deux villes il n’y a rien. Juste deux ou trois postes de commerce, mais pas d’hébergement. Longue journée en perspective,. Mais on m’a assuré que les routes seront bonnes, et en partant de bonne heure ça ne devrait pas poser de problème.
Mais une fois de plus, primo :il ne faut pas croire tout ce que les gens racontent, et secundo : les choses ne se passent jamais comme prévu.
Au niveau de l’équateur, le soleil se lève et se couche toujours à 6 heures, donc lever à 5 heures pour constater qu’au dehors c’est le déluge ; hors de question de partir. Ce n’est que vers 9 heures, avec 4 heures de retard donc, que je suis parti sous une pluie devenue seulement « normale ». Il me reste 9 heures pour 800 km ; c’est faisable, mais ça va être juste. Mais les routes sont bonnes…..
…..les premiers 200 km. Ensuite, pendant 400km, c’est un enchaînement de piste, chantiers, et mauvaises routes. Et me vois déjà en route pour une autre épopée comme celle que j’ai vécue au Guyana. Heureusement les routes ne seront jamais aussi mauvaises, mais une fois de plus je perds beaucoup de temps, et je veux arriver avant la nuit.
Alors je fonce. Quand je dis je fonce, je fonce ! Je roule au taquet, ma consommation d’essence passe au double de ce qu’annonce le constructeur. Pour la première fois, je dois faire deux fois le plein d’essence en une journée (J’ai deux réservoirs d’essence pour un total de 40 litres) Pendant 9 heures je roule non-stop, et les derniers rayons de soleil me voient entrer dans Boa Vista. Pas mal…
Manaus est une drôle de ville. Avec ses 2 millions d’habitants, c’est la 8ème plus grande ville du Brésil, mais ne peut être jointe que par voie aérienne ou maritime. La seule route la liant au reste du monde, passe par Boa Vista, et mène au Venezuela. Toutes les autres s’arrêtent dans un rayon d’une centaine de km autour de la ville. Difficile d’imaginer, quand on roule dans les embouteillages de la vieille ville, fort jolie d’ailleurs. Manaus a eu son heure de gloire au 19ème, lors du boom du caoutchouc. Pendant une courte période le « Paris de l’Amazonie » était la ville de toutes les extravagances. Elle fut la deuxième ville du Brésil à avoir le courant électrique, bien avant beaucoup de villes européennes. D’énormes fortunes se formèrent en peu de temps, et tous les excès étaient permis. En témoigne l’opéra, le Teatro Amazonas, certainement le plus bel immeuble de la ville. A part le bois, tout a été importé d’Europe.
Après que Manaus ait perdu le monopole de la production de caoutchouc, son déclin s’amorça rapidement. La ville recommence à prospérer après la création d’une zone franche.