La première impression en voyant La Paz depuis El Alto est étrange. La capitale de la Bolivie est encastrée dans une étroite vallée. Officiellement elle se situe à une altitude de 3650 mètres, il faut bien dire quelque chose. Mais en fait, elle s’étale depuis 3000 jusqu’à 4000 mètres. Ce qui m’a surpris, c’est les maisons de cette ville de 800.000 habitants. Elles sont presque toutes en briques rouges, sans façades ; cette ville manque drôlement de couleur. Mais il y a une raison à cela : tant que les maisons n’ont pas de façade, elles sont considérées comme inachevées, et le taux d’imposition pour les propriétaires est beaucoup plus bas.
Un fait amusant : A cause de l’altitude, ici l’eau bout à 80 degrés.
En faisant le plein d’essence j’ai eu une mauvaise surprise : alors que le prix affiché est de 3.8 bolivianos, on m’a fait payer 9 bolivianos le litre, par ce que je suis étranger. Drôle de socialisme Monsieur Morales !
Hier j’ai descendu la Ruta de la muerte en VTT.
Mais hier j’ai également rencontré Maurizio et Alejandra un jeune couple hors du commun. Lui est chamane et elle est sorcière. Alors que Maurizio, avec ses 10 années de formation se considère toujours un chamane débutant, Alejandra, dont déjà la mère et la grand-mère étaient sorcières est beaucoup plus avancée dans les sciences occultes. Elle a également des connaissances de magie noire, le chaînon manquant de ma recherche du spiritualisme des peuples Andins. On a longuement discuté hier, et finalement ils ont accepté de m’emmener aujourd’hui dans le monde très fermé de la magie noire, non sans m’avoir averti longuement des risques que je courais.
« le mal existe, crois moi, je l’ai vu »
« les chamanes ne veulent pas ton argent, tu devras payer avec ton énergie »
« Tu risques d’éveiller des esprits que tu ne pourras pas contrôler »
J’avoue que leur sincérité et leur préoccupation non feinte m’ont quelque peu ébranlée.
Maurizio et Alejandra tiennent un commerce de produits naturels, qu’ils ont fermé spécialement pour l’occasion. Il y a à La Paz une calle de las brujas, une rue des sorcières, où l’on vend plein de trucs bizarres, mais ce n’est pas là qu’on m’a emmené. Cela est pour touristes. Nous on va là, où le monde des humains et celui des ténèbres se rejoignent. Maurizio ne se sentait pas à la hauteur d’affronter seul avec moi le monde du mal, et il tenait absolument à ce que Alejandra , qui de surcroit parle l’Aymara, l’accompagne.
On arrive dans une espèce de rue non asphaltée. De chaque côté il y a des locaux étroits, sans fenêtre ; seule une porte bleue, fermée pour la plupart. Des affiches décrivent les spécialités des divers chamanes ou sorcières. Maurizio est mal à l’aise. « Est-ce que tu ressens les forces du mal qui sont ici ? » me demande-t-il plusieurs fois. Des espèces de réchauds à bois sont posés devant certaines portes, quelques feux y sont allumés, des choses indéfinissables y brûlent. Il y a très peu de monde, on est presque seuls. Inutile de dire que je suis le seul étranger dans les parages.
Maintenant, c’est à Alejandra de trouver le chamane qui nous convient. Lentement elle arpente la rue, laissant les ondes des divers chamanes réagir sur elle. En silence, Maurizio et moi la suivons à quelques mètres. Après un deuxième passage elle a trouvé : Un chamane qui va me lire une messe noire, suivie d’une messe blanche. Après un dernier essai de me dissuader d’y entrer, on y entre à trois. Le local est très exigu, il ne doit guère faire plus de deux mètres carrés.
Le chamane va acheter les ingrédients pour la séance, ferme la porte, et l’un des moments les plus hallucinants de ma vie commence.
Je ne vais pas vous en dire plus, désolé.