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Face au profit, la vie d’un mineur ne vaut pas grand-chose
En 1545 elle ne valait carrément rien.
C’est en cette année que fut fondée Potosi, et que fut ouverte la mine d’argent la plus fabuleuse de tous les temps. Le Cerro Rico, qui domine la ville, était pratiquement une montagne en argent pur. La concentration du métal noble dans le minerai était de 94%. Un trésor si fabuleux effaçait les derniers scrupules des Espagnols, qui déjà n’en avaient guère. Au début les travailleurs étaient des Indiens embauchés de force , la mita. Les mineurs étaient enfermés dans la mine pendant six mois, sans jamais voir la lumière du jour. Sans salaire non plus d’ailleurs.
Puis un jour un moine courageux à réussi à faire reconnaitre que les indiens aussi avaient une âme. Alors il fallait chercher ailleurs. On trouva en Afrique, car les Noirs en ce temps n’avaient pas encore d’âme pour les bons catholiques qu’étaient les Espagnols. Alors on emmena par milliers des esclaves d’Afrique, qui venaient à leur tour crever dans les mines. On parle de 6 millions de morts durant les 230 ans que la mine renflouait les caisses de la couronne impériale, qui à son tour le dilapidait à tour de bras. D’autres sources parlent même de 8 millions de morts.
Quand les Espagnols sont enfin rentrés chez eux, le nouvel état Bolivien a repris la gestion de la mine. Les conditions sont restées aussi épouvantables qu’avant, seulement les mineurs touchaient un petit salaire maintenant. L’argent s’épuisant, c’est l’étain qui a repris la relève. La montagne est d’origine volcanique, et, à l’exception du charbon,  on y trouve tous les minerais qui existent.
Entretemps la Cerro Rico a donné tout ce qu’il avait, et ces minerais ne contiennent plus que 4% d’argent : la mine n’est plus rentable. Elle a même rétréci de plusieurs centaines de mètres. Alors l’état s’est retiré de l’affaire, et ce sont les mineurs, qui n’avaient pas d’autre espoir de revenu, qui ont repris la relève. Groupée en coopératives, quelques 15000 forçats volontaires tentent d’arracher les derniers restes de richesse de cette montagne trouée dans tous les sens.(Il y a eu jusqu’à 10.000 galeries et plusieurs milliers d’entrées.) Les conditions de travail restent encore et toujours le mêmes. Les mineurs achètent eux même leurs vêtements, outil et dynamite. Lors de 8 à 10 heures de travail journalier ils mâchent des feuilles de coca et boivent de l’alcool à 98°. Avant d’entamer leur travail, ils passent devant le Tio. Comme on vit sous terre, ceci est le domaine des forces d’en bas. Le Tio, c’est le diable, mais depuis 350 ans il protège la mine, au grand dam de l’église catholique. Les mineurs allument une cigarette et la lui placent dans la bouche. Si elle continue de fumer, c’est bon signe, sinon….ils descendent quand même. A part la dynamite, l’extraction se fait comme il y a 350 ans. L’espérance de vie d’un mineur est de 45 ans. Il y a quelques années seulement, le premier mineur dans l’histoire de la mine a réussi à atteindre l’âge de la retraite.
Moi aussi je suis descendu  dans ces galeries où des millions de malheureux sont morts. Pendant une demi-journée, plié en deux, toussant, marchant dans la boue, pataugeant dans de l’eau, à quatre pattes même, j’ai arpenté les galeries, observant les mineurs au travail. Le plus jeune mineur, Jorge, était en train de placer de la dynamite. Il y 15 ans et travaille dans la mine depuis 2 ans. Barres de mine, pioches, et dynamite ; je n’ai pas vu un seul marteau piqueur, mais il parait qu’il y en a quelques-uns.

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